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Stèle

Stèle géodésique

Les stèles géodésiques de Sausheim et Oberhergheim sont deux mires topographiques situées dans le département français du Haut-Rhin, dans le Grand Est, respectivement à Oberhergheim (au nord) et Sausheim (au sud), entre Mulhouse et Colmar.

Voici son histoire, relatée par Monsieur Marc SAUR, villageois passionné, qui assure la présentation de la stèle lors des Journées du Patrimoine. (cf. photos ci-dessous)

A la sortie du village vers Hirtzfelden, 50 m après l’intersection avec le chemin qui dessert les vergers, se trouve un monument en grès rose d’une hauteur de 5 mètres. Il a la forme d’un obélisque assez massif et est entouré de douze petites bornes également en grès rose. Sur sa face sud, est gravée une inscription : « Terme septentrional d'une base de 19 045 1⁄4 mètres mesurée sous le règne de Napoléon Ier empereur des Français pour servir à la carte de l'Helvétie et à la détermination de la grandeur et de la figure de la terre en août MDCCCIV.

Elle a donc été érigée en 1804, durant le 1er Empire. A cette époque, l’Helvétie (la Suisse actuelle) était sous domination française. Napoléon, pour asseoir sa domination sur ces territoires, exige la réalisation d’une carte de l’Helvétie.

Les travaux cartographiques, à l’époque, étaient réalisés, à partir d’une triangulation et d’un maillage de points répartis sur l’ensemble de la zone à cartographier. Le gros problème technique résidait dans le fait que les appareils de mesure de l’époque (théodolites) ne permettaient pas les mesures de distances tels que les appareils modernes. Ils étaient limités aux mesures d’angles, ce qu’ils faisaient de façon très précise toutefois. Ainsi, sachant que la détermination d’un triangle demande 3 éléments, dont au minimum une distance (+ 2 angles), il fallait absolument disposer d’une longueur mesurée au sol, la plus longue possible, comme élément de départ.

La Suisse n’offrant pas de site favorable du fait de son relief trop vallonné, il a été choisi de réaliser cette base en Plaine d’Alsace voisine. L’extrémité Nord est située à OBERHERGHEIM et l’extrémité sud se trouve à SAUSHEIM. Cela deviendra la base d’ENSISHEIM. Les travaux de mesure ont duré 38 jours, sous la conduite du Colonel HENRY. Le travail a d’abord consisté en un jalonnement pour réaliser une ligne droite parfaite, puis les mesures avec des lattes en platine (dont la longueur ne varie pas avec la température), mises bout à bout de façon successives.

Au final, la base mesure 19045.25m et était à l’époque la plus longue base mesurée sur Terre.
Cette base en place, les travaux de triangulation ont pu débuter avec des visées sur des points élevés, tels le Grand Ballon, le Belchen (Forêt Noire). Depuis ceux-ci, on voit les sommets du Jura Alsacien et Suisse. A noter que les visées lointaines, par temps clair, ne posent aucun problème.

Les travaux de cartographie se sont poursuivis jusqu’en 1815. Un tiers du territoire suisse a été relevé et la carte resta finalement inachevée.

Mais l’histoire de la base d’Ensisheim ne s’arrête pas là. Elle a été réutilisée par la suite, par les Suisses pour une nouvelle campagne de relevés dans les années 1860. Elle a également été réutilisée par les allemands à partir des années 1870, pour la réalisation du cadastre Alsace-Moselle. Ces plans cadastraux, d’une remarquable qualité, sont toujours utilisés aujourd’hui.

Le monument en lui-même a été érigé directement après la fin des travaux de mesure. Le point originel (un cône en bronze) se trouve lui sous le monument. Un autre point a été installé au sommet de la stèle, à l’aplomb parfait, sous la forme d’un point en laiton de la taille d’une pièce de monnaie. Il est donc toujours utilisable par les géomètres actuellement. 2 autres bornes ont également été mises en place dans le pré en face (à 25m environ), à 80cm sous la surface du sol pour les protéger du labour. Ces 2 bornes en granit, de forme octogonale, serviraient à reconstituer le point d’extrémité de la base, si jamais la stèle venait à disparaitre.

La stèle a été classée monument historique en 1979. En septembre 2020, elle a été entièrement nettoyée et ses abords réaménagés, sous l’égide des Bâtiments de France.